Focus Energie & Environnement - La première carte interactive de la répartition mondiale des fourmis est lancée à Hong Kong. (30/09/2015)

Article publié le 30/09/2015

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La première carte interactive montrant la répartition des différentes espèces de fourmis dans le monde, a été mise en ligne le jeudi 6 août 2015 par la University of Hong Kong afin de mettre en lumière le monde des insectes et la richesse de la biodiversité.
La diminution de la biodiversité est une préoccupation majeure pour les scientifiques. Par biodiversité s’entend la diversité au sein d’une même espèce, entre les espèces et entre les écosystèmes (diversité écologique). Divers indicateurs, comme le nombre d’espèces dans une région donnée, sont utilisés pour mesurer différents aspects de la biodiversité.

Le rythme actuel de changement et d’extinction des espèces est des centaines de fois plus rapide que le rythme naturel d’extinction. La majeure partie des écosystèmes de la planète ont été profondément perturbés par les activités humaines, engendrant la transformation voire la disparition de certains d’entre eux. Par exemple 35 % des mangroves ont disparu de la surface de la Terre au cours des vingt dernières années [1].

L’érosion de cette biodiversité est préoccupante car elle peut notamment avoir un impact négatif sur la sécurité alimentaire, la vulnérabilité des populations (avec notamment la multiplication des catastrophes naturelles), la santé, la sécurité énergétique, l’accès aux matières premières et bien d’autres aspects participant au bien-être humain [1].

Les fourmis, un bon outil pour aborder la question de la biodiversité

Malgré cette inquiétude, la compréhension de la composition et de la répartition géographique de la biodiversité mondiale reste encore largement incomplète. Les scientifiques s’intéressant à celle-ci ont beaucoup étudié la distribution des plantes, des mammifères et des oiseaux mais le monde des insectes, regroupant pourtant plus de 1,1 millions d’espèces, reste encore assez méconnu. Ceci est illustré par exemple par l’absence de synthèse sur la répartition mondiale des insectes [2, 3].

Le chercheur français, Dr Benoit Guénard, professeur à la School of Biological Sciences de la University of Hong Kong (HKU) et Dr Evan Economo, du Okinawa Institute of Sciences and Technology (OIST) Graduate School ont donc souhaité mettre en lumière ce monde des insectes. L’étude simultanée de tous les insectes étant presque impossible, ils ont choisi de se concentrer sur l’étude des fourmis alors que 15 000 espèces de fourmis sont actuellement répertoriées et décrites et qu’il en resterait à peu près autant à découvrir [2, 4, 5].

La place importante des fourmis dans les écosystèmes

Les fourmis présentent un véritable intérêt non seulement pour leur abondance et leur diversité mais aussi parce qu’elles « occupent une place très importante dans la plupart des écosystèmes », comme l’indique Dr Guénard.

Les fourmis moissonneuses (Messor barbarus), par exemple, sont considérées comme des ingénieurs de l’écosystème car elles jouent un rôle essentiel dans la fertilité du sol et l’organisation de la végétation. En effet, lorsqu’elles vont chercher des graines pour se nourrir, il n’est pas rare qu’elles en perdent en route. Elles contribuent ainsi à la dissémination des espèces végétales. Le Dr Thierry Dutoit, directeur de recherches en écologie à l’Institut Méditerranéen de Biodiversité et d’Ecologie marine et continentale (IMBE) affirme que « Ces fourmis peuvent aller chercher des graines jusqu’à 30 m de distance, et ce, plusieurs fois par jour » [6].

Cette propriété des fourmis a été notamment utilisée avec succès par l’IMBE pour restaurer la steppe méditerranéenne de deux sites de la plaine de Crau. Un de ces deux sites avait été dégradé par une période d’arboriculture intensive. L’autre avait été touché par une fuite d’hydrocarbures [6].

Par ailleurs, à New-York, les fourmis participent activement au nettoyage des rues. En effet, une étude réalisée par des chercheurs américains de l’Université de Caroline du Nord et publiée dans la revue Global Change biology, a démontré que les fourmis et plus largement les arthropodes contribuent à consommer les restes de nourriture dans la rue. Elles participent ainsi au nettoyage des rues et font dans le même temps concurrence aux mammifères nuisibles comme les rats, permettant de limiter leur accès à la nourriture et donc leur prolifération [7,8]

Ce que révèle la carte interactive des fourmis

Dr Guénard et Dr Economo ont travaillé pendant quatre ans à l’élaboration d’une carte interactive de la répartition mondiale des fourmis. Cette carte en couleur, baptisée « antsmap » et consultable en ligne (http://antmaps.org/), donne l’emplacement des 15 000 espèces répertoriées, dont 1 400 se trouvent dans l’Etat du Queensland en Australie. Par ailleurs, cette carte révèle que le territoire de Hong Kong compte 170 espèces de fourmis répertoriées [2, 4, 5], comme par exemple la Pseudoneoponera rufipes capable de produire de la mousse pour se défendre [2].

Pseudoneoponera rufipes – Source : http://www.hku.hk/press/news_detail_13103.html
Les régions tropicales et subtropicales, dont Hong Kong fait partie, abriteraient la majorité des espèces de la planète ; mais, paradoxalement, elles font partie des régions les moins étudiées du monde. À l’exception de quelques “points chauds” déjà répertoriés, la plupart des régions tropicales terrestres ont un besoin pressant d’exploration des insectes et notamment des fourmis. Compte tenu du peu d’espèces déjà découvertes et de la pression croissante qu’exercent l’urbanisation et l’agriculture sur l’habitat de ces régions, ces études sont urgentes et nécessaires si l’on veut pouvoir suivre l’évolution de la biodiversité. En effet, des milliers d’espèces risquent de disparaître avant meme d’avoir été observées et décrites, si aucune étude n’est rapidement menée. En développant un nouvel outil comme « antmaps », l’équipe de recherche aspire ainsi à favoriser l’exploration des espèces et leur conservation [2].

Le Dr Guénard affirme découvrir et décrire de nouvelles formes de vie chaque semaine [4]. La carte sera donc actualisée au fur et à mesure des découvertes. Dans ce but, l’équipe de recherche souhaite étendre son étude à d’autres régions de Chine et d’Asie [2].

En outre, le projet « antsmap » pourra fournir des informations importantes sur la distribution des espèces invasives et indésirables, la détection précoce de celles-ci permettant un meilleur contrôle de leur population et de leur prolifération.

Le développement de nouveaux outils comme l’imagerie haute résolution, afin de mettre en lumière la complexité et la diversité des fourmis et plus généralement des insectes, permettra également de rendre ce monde plus intelligible pour les étudiants et même pour une plus large audience [2].

Cette carte, si elle doit encore être complétée, peut dès à présent permettre de mettre en place des plans de conservation des différentes espèces de fourmis et d’avoir une meilleure connaissance de leur rôle dans les écosystèmes.

Sources :

[1] Site de Greenfacts, http://www.greenfacts.org/fr/biodiversite/l-2/3-biodiversite-menacee.htm#0
[2] Site de the University of Hong Kong, http://www.hku.hk/press/news_detail_13103.html
[3] http://green.blogs.nytimes.com/2012/04/24/to-find-diversity-hot-spots-follow-the-ants/?_r=1
[4] Sciences et Avenir, 09 août 2015 http://www.sciencesetavenir.fr/animaux/insectes/20150807.OBS3826/le-monde-des-fourmis-cartographie-sur-internet.html
[5] New Vision, 07 août 2015 http://www.newvision.co.ug/news/671912-world-s-first-ant-map-launched-in-hong-kong.html
[6] Site du CNRS, 09 avril 2014 http://www.cnrs.fr/inee/communication/breves/b043.htm
[7] Global change biology, 02 décembre 2014 http://onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1111/gcb.12791/abstract;jsessionid=7F33636C649C3160525099F62833F596.f01t03
[8] Sciences et avenir, 04 décembre 2014 http://www.sciencesetavenir.fr/animaux/20141204.OBS7006/des-armees-de-fourmis-nettoient-la-grosse-pomme.html

Rédacteur :

Julie DUGAS, Stagiaire mission scientifique - Hong Kong

publié le 29/09/2015

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